Les pourcentages ne créent pas de valeur !

La reprise de l’inflation, le poids grandissant des produits chers et très chers, la fin des activités « 0% » et la hausse des taux d’intérêt perturbent totalement les pratiques ancestrales en matière de politique de prix, de Benchmark entre officines ou d’appréciation de la valeur des fonds. Les raisonnements au « pourcentage », alliés simples du pharmacien et des acteurs de la profession depuis des décennies, sont devenus des pièges à la décision. Illustrations quotidiennes.

Un premier regard s’appuie sur la politique de prix et des activités non remboursables : 

Une vente de 100 € avec un prix d’achat de 75 € dégage une marge de 25 €, soit un taux de marge de 25% (hypothèse 1).

Si le prix d’achat passe à 85 € et les autres charges d’exploitation de 10 à 15 €, le prix de vente devra être de 115 € pour garder la même rentabilité (hypothèse 2).

Au passage, le taux de marge est en augmentation à 26,1% sans, pour autant, qu’il y ait création de valeur.

Bref en période inflationniste, il faut répercuter l’augmentation des prix d’achat, puis celle des charges d’exploitation et, comme Gillette à trois lames, ajouter un chouia au prix de vente puisque le chef d’entreprise subit lui aussi l’inflation et doit dans la mesure du possible augmenter ses revenus bruts en conséquence.

La deuxième analyse porte sur l’observation de l’économie de l’officine en 2023, avec des chiffres d’affaires en hausse (+3%) portés par les produits très chers à faible marge. 

Mais si les marges en valeur ont diminué en 2023, c’est uniquement parce que les activités à 0% représentent moins de 1% de l’activité globale contre 4.5% en 2022, selon les statistiques de notre cabinet.

L’augmentation des produits chers et la fin des activités « 0% » conduisent mécaniquement à la baisse du taux de marge global…, ce qui n’a aucune importance au plan analytique. 

Il importe en effet uniquement de s’intéresser à l’évolution de la marge globale en valeur. Elle baisse de 6.5%. Mais en retraitant les activités à 0%, elle aurait progressé de 2.4%.

Le troisième volet observe l’analyse des coûts de l’officine. Il était ainsi d’usage de proportionner les loyers, les autres charges externes et les frais de personnels au chiffre d’affaires, ces derniers représentant entre 11% et 12% ces 4 dernières années, ce qui n’a évidemment plus aucun sens.

Il est bien plus pertinent de les comparer à la marge. Ainsi, les frais de personnel absorbent désormais plus de 40% de la marge (contre 35% en 2022 et 2021, et 37% en 2020). Ce ratio a ses limites. En effet, il s’agit d’une moyenne, sachant que certaines régions atypiques, comme celles à proximité de la Suisse, atteignent les 46% et qu’il apparaîtra compliqué de payer moins bien ses collaborateurs.

Plus loin, il sera plus pertinent de s’intéresser à la marge dégagée par personne (97 m€ en moyenne en 2023).

Du côté financier et du marché de la transaction des officines, il convient de noter qu’un million emprunté sur 12 ans à 4% au lieu de 1% occasionne un surcoût pour l’acquéreur de 155 m€ net d’IS (impôt sur les sociétés). 

De fait, la répercussion sur la valorisation du fonds est immédiate. 

Un pharmacien par exemple a acheté une officine 2 millions d’€ en 2020 (soit 83% du chiffre d’affaires). Elle dégageait à l’époque une rentabilité de 342 m€. 4 ans plus tard, le chiffre d’affaires s’est développé, certes, mais ses charges d’exploitation aussi, tout cela dans la mouvance de l’évolution moyenne de la profession. 

Le titulaire met en vente l’officine mais comme la rentabilité envisagée en 2024 est la même qu’en 2020 et que les taux d’intérêt ont augmenté entre-temps, la valeur du fonds approchée par l’acquéreur sera de 1.7 million environ (2 millions – le surcoût financier lié au taux d’intérêt), soit …. 61% du chiffre d’affaires pour les nostalgiques de la référence au chiffre d’affaires !

Evolution de la valeur d'un fonds

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