Quelle valeur pour les officines en 2025 ?

L’approche de la valeur d’une entreprise requiert une expertise et une parfaite connaissance de son métier. La pharmacie d’officine n’échappe pas à la règle. Les pharmaciens l’ont compris en mesurant les changements de paradigmes récents et en abandonnant des pratiques traditionnelles d’évaluation, pour s’orienter vers une méthode fondée sur la rentabilité potentielle. L’approche de la valeur est ainsi une aide à la décision tant pour les vendeurs éventuels que pour les acquéreurs. Elle ne fait nullement le prix qui résulte d’un accord entre les parties, … s’il est finançable.

La valeur immatérielle

La valeur d’une entreprise est d’abord fondée sur ses perspectives stratégiques (marchés et potentiels, produits, risques macroéconomiques, RH, approvisionnements, environnement concurrentiel, R et D, savoir-faire …). Les parties, vendeurs et acheteurs potentiels, identifient les points forts et zones de faiblesses, les menaces et les opportunités.  La place de l’immatériel est prépondérante par rapport au matériel (usines, machines, agencements, stocks,). Plus particulièrement la valeur immatérielle d’une officine est fonction de son emplacement, son environnement médical et sociétal, sa stratégie d’offres (politique de prix, services, conseils et relations), sa réputation, la compétence et l’expérience de son équipe, son organisation, son enseigne et, aussi, de sa gouvernance. Elle est subjective.

D’une manière générale, plus une entreprise est petite, plus la personnalité et les compétences de son ou de ses dirigeants impactent l’approche de la valeur. Le pharmacien titulaire a évidemment une influence considérable sur la bonne marche de son entreprise. Le rachat d’une officine auprès d’un ou plusieurs titulaires plus ou moins efficients par de nouveaux, plus ou moins efficients eux-mêmes, devrait donc impacter logiquement considérablement la valeur. Faire fi de cette évidence expose à des déconvenues. Autrement dit, reprendre une officine avec un bon business model étayé d’un business plan équilibré ne suffira pas si le dirigeant n’est pas « à la hauteur ».

 

Brûler les vaisseaux … sur des pratiques de valorisation ancestrales :

L’analyse détaillée des comptes annuels sera source d’informations complémentaires, pour compléter la valeur de l’entité. Pour la justifier, la démarche prend parfois des détours saugrenus au travers de formules mathématiques plus ou moins complexes filtrant dans ses moindres détails les comptes de l’entreprise, en employant une terminologie absconde …  Elles visent le plus souvent à rassurer l’évaluateur s’appuyant trop sur les seules données objectives dont il a connaissance (bilans passés, état des matériels, investissements nécessaires, engagements financiers, charges connues …). Le risque est de s’éloigner de la réalité et de procéder à une évaluation totalement erronée préjudiciable au vendeur, à l’acheteur ou à l’entreprise, voire aux trois à la fois.

Une formule rassurante, rattachée au passé, se fonderait ainsi sur la moyenne de trois méthodes : un pourcentage du chiffre d’affaires selon les statistiques de la profession, un coefficient appliqué à la marge et un autre à la rentabilité. Cette approche est saugrenue et inappropriée et n’a cours dans aucun autre secteur de la vie industrielle et commerciale. Les raisons de son inefficacité sont évidentes :

  • La référence au chiffre d’affaires est à exclure avec l’émergence spectaculaire des médicaments chers, sortant régulièrement de la réserve hospitalière, à faible taux de marge ;
  • La marge globale devient une référence naturelle de substitution au chiffre d’affaires. Pourtant deux officines aux marges globales identiques mais avec des loyers différents, l’une de 25 m€ et l’autre de 50 m€ par exemple, ne valent pas la même chose. La première sera valorisée 250 m€ environ de plus que la seconde. Dans ce registre des vendeurs potentiels, propriétaires des murs de l’officine, revoient parfois à la hausse les loyers, quitte à baisser la valeur de leur affaire. Cette stratégie financière n’est pas dénuée d’intérêt dans la mesure où ils entendent conserver l’immobilier très longtemps (les loyers perçus sur une longue période couvriraient « le manque à gagner » accepté sur la valeur du fonds).

Par ailleurs, les équipes ne sont pas payées de la même manière selon les régions, les éventuelles pénuries ou encore selon la politique salariale spécifique à chaque entité (les frais de personnel représentaient 41 % de la marge en 2023 en moyenne, contre 37 % avant la période Covid avec de forte disparités entre officines). Ainsi, à effectifs identiques, deux officines peuvent supporter structurellement des charges de personnel bien différentes.

En définitive, le fondement de la valeur selon le chiffre d’affaires et la marge présente trop de limites pour être des critères de valorisation même pondérés avec d’autres méthodes.

La référence à la rentabilité (EBE avant rémunérations et charges des titulaires ou PCG – Performance Commerciale ou de Gestion) devient le critère le plus essentiel, et encore faut-il tenir compte d’autres facteurs objectifs. 

Il y en a au moins trois. 

En premier lieu le coût du crédit. Il évolue à la hausse ou à la baisse et impacte corrélativement la valeur des fonds. … Un pharmacien par exemple a acheté une officine 2 millions d’euros en 2020. Elle dégageait « à l’époque » une rentabilité de 342 m€. 4 ans plus tard le chiffre d’affaires a augmenté, certes, mais ses charges d’exploitation aussi, tout cela dans la mouvance de l’évolution moyenne de la profession.

Le titulaire met en vente l’officine mais comme la rentabilité envisagée en 2024 et pour l’avenir est la même qu’en 2020, et que les taux d’intérêt ont augmenté entre temps, la valeur du fonds approchée par l’acquéreur sera de 1.7 million environ (2 millions diminués du surcout financier lié au taux d’intérêt), soit ici …. 61 % du chiffre d’affaires pour les nostalgiques de la référence au chiffre d’affaires !

En second lieu, une partie des investissements (robot et agencements) est parfois financée par les vendeurs par crédit-bail ou location, en lieu et place d’un emprunt traditionnel. L’idée est sans doute de faire prendre en charge les engagements par les acquéreurs (redevances ou loyers restant à payer) sans impact pour l’approche de la valeur du fonds. D’abord, il ne faut plus prendre les jeunes acquéreurs pour « des lapins de six semaines » et, par ailleurs, cette manière de procéder est parfois un « faux ami » pour les vendeurs (en effet les engagements peuvent courir entre 1 et 7 ans en pratique et impacter négativement les flux financiers du business plan de l’acquéreur sur cette période et compromettre l’obtention de ses financements bancaires).

En troisième lieu, des dispositifs conduisant à alléger la fiscalité des acquéreurs (pharmacie implantée en zone FRR – France Ruralités Revitalisation – à partir de juillet 2024 ou amortissement fiscalement déductible pendant 10 ans pour les acquisitions de fonds jusqu’au 31 décembre 2025) impactent très positivement les business plans financiers et conduisent à une « surcote » de la valeur de certaines officines.

La valeur fonction de la rentabilité potentielle

L’évaluateur se réfère traditionnellement à quatre critères pour se forger une opinion : la rentabilité future (le rendement des capitaux investis – Voir encadré), le risque attaché au secteur, la rémunération de son ou ses titulaires, l’éventuelle valeur de revente avec espoir ou non de plus-value.

La valeur d’une pharmacie est ainsi fonction de sa capacité future à dégager une rentabilité suffisante pour investir, rembourser ses emprunts, honorer les charges financières, faire face aux impôts, rémunérer convenablement son ou ses titulaires, assumer un niveau décent de cotisations retraite, et de sa valorisation future … ! tout cela sur une période raisonnable.

Pour approcher rapidement la valeur, il faut appliquer un coefficient compris entre 5 et 6 à la PCG (Performance Commerciale et de Gestion) puis la corroborer à travers l’établissement du business plan financier.

La valeur ne fait pas le prix

Des affaires non rentables sont convoitées alors que d’autres, très rentables, ne trouvent pas preneurs (notamment dans certains quartiers urbains ou zones rurales). Ainsi va la loi du marché ! Par ailleurs, des vendeurs « s’arc-boutent » encore sur des valorisations déconnectées des réalités du moment et, de fait, ne reçoivent tout simplement aucune offre, avec les candidats tout simplement découragés de le faire. Cette posture n’est donc pas toujours la bonne, et le temps devrait faire son œuvre avec un retour à la raison. Enfin, dernier paramètre d’analyse, les associés ou actionnaires des PME, et plus particulièrement des officines, sont la propriété totale ou partielle de leurs dirigeants. Dès lors, il y a une certaine confusion entre la future rémunération du travail de l’exploitant et la rémunération normale du capital induisant une approche spécifique.

Ainsi le marché de « l’offre et de la demande » des pharmacies prime la valeur. Les pharmacies de tailles intermédiaires, entre 2 et 4 millions de chiffre d’affaires normatif, sont très convoitées. Celles implantées dans les gros bourgs monopolistiques, sur certaines zones touristiques ou des communes enregistrant des croissances significatives de leur population le sont tout particulièrement. Celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1.5 millions trouvent preneurs seulement si les prix sont très attractifs. Pour finir celles de plus de 4 à 5 millions s’adressent à un nombre de postulants assez étroit et un marché, de fait, particulièrement hétérogène.

Lorsque le prix de marché est bien supérieur à la valorisation de l’officine cela induit, tout à la fois :

  • La nécessité d’opérer des apports financiers plus élevés que la moyenne, avec le concours éventuel d’associés investisseurs ;
  • Une baisse de la rentabilité des capitaux investis ;
  • Un impact sur le revenu du titulaire (que ce soit celui perçu au travers une rémunération annuelle basse ou celui, différé, de ses cotisations de retraite a minima) ;
  • La limitation programmée des investissements matériels et humains ;
  • L’acceptation d’une augmentation du risque de défaillance finance.

Différencier les impacts financiers liés à l’évolution de la valeur du fonds, à la hausse ou à la baisse, de la rentabilité des capitaux investis.

L’achat d’une officine pour 2 millions d’€ avec 400 m€ en capital apportés à la SEL, puis le recours à l’endettement bancaire traditionnel pour boucler le financement, procure un taux de rendement des capitaux investis de 15 % sur 10 ans, si la valeur du fonds de commerce est maintenue et aussi en imaginant un titulaire normalement rémunéré pour son travail. Si la valeur du fonds de commerce descend à 1 million, la rentabilité des capitaux investis ne sera plus « que » de 8 %.

Il faut ainsi distinguer « valeur du fonds de commerce » et « évolution de la valeur d’une société ». 

Une SEL s’est portée acquéreur d’un fonds pour 2 millions il y a trois ans et une offre de rachat est formulée pour 2.2 millions d’€ aujourd’hui. La tentation de vendre et de réaliser une plus-value apparente, parfois sous la pression, est forte.  Mais au regard de la renonciation à « l’effet de levier financier » procuré sur la durée, le projet de vente n’apparait pas toujours opportun (deux ou trois années de résultats suffisant parfois à obtenir le même gain), et cela sans compter les tracasseries, les prises de risques et les frais liés au changement de pharmacie.

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