L’arbitrage commercial est un mode de traitement contractuel des différents pouvant naître entre des parties, entre des commerçants, et spécifiquement entre pharmaciens associés. Cela évitera peut-être qu’une belle histoire ne soit ternie pour des questions financières à l’occasion d’une tractation finale, lorsqu’arrivera le temps de la désassociation.
La profession s’exerce de plus en plus en association en raison de l’augmentation de la taille moyenne des entités, de la complexification de leur pilotage et des nouvelles missions. L’association vise à fédérer les forces de chacun, mais naturellement des sujets de désaccords opérationnels et stratégiques surviennent. Heureusement la plupart du temps, ils se résolvent très naturellement. Celui de l’évaluation des titres d’une SEL à l’occasion de transactions entre les associés en est un, et si possible il convient de le gérer en amont. En effet, s’associer, entre exploitants ou entre exploitants et investisseurs, c’est convenir dès le départ qu’il y aura une séparation (pour retraite, trajectoire de vie, mésentente, interdiction d’exercer ou contraintes financières). Si les associés cèdent ensemble leurs titres, la simple loi de « l’offre et de la demande » s’appliquera sur le marché de la transaction des officines. Il n’y a pas de sujet. Si tel n’est pas le cas, il conviendra de se référer à ce qui a été convenu dans les statuts et/ou au pacte d’associés.
Concernant la valeur de la société, celle-ci est traditionnellement déterminée en fonction de celle du fonds de commerce à laquelle sont ajoutés les autres actifs (stocks, créances et trésorerie) et déduits les dettes (comptes courants d’associés, emprunts et autres dettes d’exploitation). La société est ainsi évaluée selon « l’actif net », formulation classique reprise dans les actes juridiques.
Parfois les parties ont convenu de se référer au marché moyen de la transaction des officines ou ont prévu une formule mathématique plus ou moins complexe et discutable, pour ne pas dire délibérément déséquilibrée (exemple : un pourcentage de chiffre d’affaires et/ou un coefficient appliqué à la marge et/ou un multiple de l’EBE retraité). En pratique les « formules » sont inopérantes, car elles ne sont pas en mesure d’évaluer à l’avance un actif immatériel (stratégie d’offres de l’officine, ressources humaines, notoriété, facteurs locaux de commercialité, marque, organisation, implication du titulaire, …).
Ainsi en cas de différent significatif sur la valeur du fonds, et à défaut d’accord entre les parties, celles-ci peuvent s’en remettre à la sentence d’un arbitre ou collège d’arbitres pour « coller » au plus près de la réalité du contexte au moment de la tractation.
Il est vraisemblable que la profession ait recours de manière plus systématique à cette formule pour des raisons d’efficacité, de rapidité et de coût. Au-delà de la fixation de la valeur d’un fonds, l’arbitre/expert interviendra parfois sur des aspects purement techniques et matériels, par exemple pour éclairer des parties ayant besoin d’être rassurés sur la détermination d’un prix, lorsque les statuts ou le pacte d’associés n’a pas été assez précis.
Arbitrage ou collège d’experts : description
L’arbitrage est une procédure contractuelle. Ce mode de traitement alternatif des conflits est fondé sur le libéralisme. Il n’oblige pas les tiers et ne les contraint donc pas de renoncer à la compétence des tribunaux d’Etat. Les parties peuvent avoir recours à un arbitre indépendant ou collèges d’arbitres en nombre impair. Les statuts précisent comment sont désignés le ou les arbitres, généralement des professionnels experts comptables ou avocats ayant une connaissance réelle de la profession, du marché de la transaction et des contentieux. Le collège d’arbitres fixe une valeur qui s’impose, après avoir recueilli les arguments des uns et des autres.
En pratique les pharmaciens actionnent rarement le recours à l’arbitrage, car ils arrivent généralement à « trouver un terrain d’entente » même si, parfois, c’est laborieux. Ils y sont incités face à l’incertitude du « jugement ».
Le problème majeur de l’arbitrage est l’absence de force exécutoire. En effet, si les parties refusent d’appliquer la sentence arbitrale, l’arbitre ne peut contraindre. Il faut alors, pour que la sentence soit appliquée, saisir la justice publique.
Enfin, même les meilleurs arbitres du monde ne peuvent résoudre tous les différends. Ils ne peuvent contraindre un associé à vendre ou un autre d’acheter. Parfois une mésentente grave se cristallise, avec des associés qui s’épuisent dans l’ombre de leur entreprise qui périclite. Le rôle ultime d’un médiateur, à l’instar du conseiller conjugal, sera alors de tenter de trouver le chemin tortueux pour aboutir à un accord.